Economie et santé :
cette union est encore considérée comme curieuse, incongrue voire inadmissible aux yeux de certains. Cette assertion vaut particulièrement pour les soignants dont je fais partie et que je fréquente à plusieurs titres. Pour poursuivre mon propos, j’userai d’une notion de plus en plus partagée parmi les soignants, et ce au-delà de la sphère des soins psychiatriques où elle trouve son origine.
Je convoque donc l’injonction paradoxale.
Quels sont les tenants de ce paradoxe injonctif ? La santé est devenue un enjeu majeur tant d’un point de vue individuel que collectif. La santé, individuelle et publique, pèse dans nos économies, individuelle et publique. Là n’est pas encore le paradoxe que je vous propose. Poursuivons avec l’époux santé. Après avoir été institutionnalisée par cette belle invention démocratique qu’est la Sécurité Sociale, la santé est devenue bien de consommation. Dernièrement, elle se mue en un enjeu politique singulier ; que l’on peut, en certains points, qualifié d’électoraliste ou au moins politicien par cette triste invention démagogique qu’est le Principe de Précaution.
Ce principe, passé de l’environnement à la politique, a pris ses aises face aux risques sanitaires devenus menaces. Il me semble qu’On en use et en abuse sans l’épargner quitte à en être dépourvu quand le risque sera bien plus menaçant, quand le loup de Prokofiev sera dans la bergerie. Par ailleurs, la précaution en matière sanitaire reste bien en deçà de la prévention et de la promotion de la santé. La précaution est un principe de repli, y compris par la contrainte. Le repli, et la crispation qui l’accompagne, sont bien en vogue d’ailleurs et j’en veux pour témoin-phare le débat sur l’identité nationale.
Pour économie, l’autre conjoint, le pouvoir d’achat et plus encore sa relance sont au cœur des débats, préoccupations et grands enjeux de la présidence. On se plaint alors que les citoyens ne consomment pas suffisamment, qu’ils ne dépensent pas assez et qu’ainsi l’industrie et le commerce, et donc l’Etat, en souffrent. Sans nier les répercussions sociales, derechef individuelles et collectives, de cette situation de piètre santé économique, nous approchons le second terme de cette injonction paradoxale.
En réalité, j’aurai dû écrire : « On s’étonne » du faible niveau de consommation et on fait pression afin de faire dépenser… On baisse les revenus des bas de laine en espérant forcer la consommation…
Soyons clairs : d’un côté, dans une oreille, vous est seriné qu’il faut être précautionneux (en matière de santé) et dans l’autre, on invoque votre sens civique à débloquer épargnes et recettes afin de relancer notre machine économique. A mon sens, il y a là injonction paradoxale ou double contrainte.
N’étant pas aussi schizophrénique qu’on souhaite qu’il soit, n’étant pas doublement aveugle, le quidam, cigale ou fourmi, s’épargne et ménage sa consommation en épargne. Ainsi, le principe de précaution s’en va être appliqué, avec plus de prudence encore qu’au regard de sa santé, à la raison économique de son ménage et de sa bourse.
A tout prix, se prémunir car prudence est mère de sûreté sanitaire ET surtout économique ! |